Antoine Rousseau (collectif Metalu A Chahuter) fabrique depuis de nombreuses années des dispositifs musicaux électro-ludiques et interactifs qui, d’emblée, intègrent le spectateur dans un univers ingénieux et plein d’humour. En février, Antoine était en résidence chez nous pour travailler à la création du spectacle Les Cigales Digitales.
Peux-tu nous décrire votre projet ?
Notre projet s’appuie sur un dispositif que nous avons fabriqué et qui comprend de nombreux petits émetteurs sonores. Ces deniers sont basés sur un principe acoustique un peu particulier, ils n’utilisent pas de haut-parleurs mais une roue dentée roulant à une vitesse bien précise et contrôlable. Elle est grattée par une petite languette reliée acoustiquement à une espèce de petit tambour qui fait caisse de résonnance produisant une note de musique. Il y a donc une trentaine de petites boites, chacune alimentée par sa propre batterie et contrôlable par une radio. Chaque boite est munie d’un capteur d’inclinaison et d’orientation qui permet de se saisir de cet objet pour en jouer selon les choix de la composition.
Que cherches-tu en fusionnant deux mondes en apparence opposés, à savoir la nature et le digital ?
Je ne cherche pas vraiment à confronter le digital et la nature. On pourrait considérer que le digital fait partie de la nature, du moins c’est ma vision ! Pour moi, l’homme continue de faire partie de la nature, il a juste des actions différentes, voire plus puissantes étant donné qu’il construit aujourd’hui des objets qui n’étaient pas imaginables par le passé. Donc je considère que les cigales digitales, les téléphones portables ou je ne sais quoi… sont quelque part la continuité du travail de la nature, c’est-à-dire la complexification progressive des choses.
Que t'inspire la nature ?
La nature c’est tout ce qui est sauvage. Nous avons les forêts, les prairies et les autres espaces naturels qui sont habités par de multiples êtres. Chacun d’eux produit une vibration sonore qui n’est pas très puissante. Toutefois, toutes ces vibrations additionnées finissent quand même par produire un paysage sonore très important. Par exemple, rien que d’entendre des mouches ou des abeilles, je suis dans l’étonnement ! Cela donne l’impression d’écouter une espèce de basse continue qui provient de partout à la fois, et cette note que je perçois est constituée de pleines d’autres notes différentes. Ce champ musical et sonore m’a vraiment marqué !
Pourquoi la cigale ?
J’avoue qu’au départ, la cigale en tant que telle n’avait pas une importance prédominante par rapport à des criquets ou des oiseaux. Quand j’ai commencé à penser à ce genre de dispositif, l’idée était de fabriquer de petits émetteurs sonores que je dispatcherais dans la nature et qui serait potentiellement contrôlables depuis un point unique où ils pourraient communiquer entre eux. En tout cas, le but était d’avoir un effet d’ensemble, chose qu’on ne peut pas espérer de grillons ou d’oiseaux. C’est à ce moment que j’ai justement pensé à des cigales. En même temps, j’ai trouvé le nom de « cigales digitales » très marrant à cause de la rime et du rapprochement, ces deux mots qui n’avaient rien à avoir l’un avec l’autre.
Comment continuer à créer en cette période complexe ?
J’estime qu’il y a beaucoup de façon d’être artiste. Certes, les activités artistiques sont différentes les unes des autres, mais j’ai souvent pris le parti de travailler plutôt sur de petites formes dans lesquelles j’étais autonome. D’ailleurs même dans ma formation technique, puisque j’ai suivi des études d’électronique, j’ai toujours sélectionné les choses que je pouvais pratiquer moi-même sans besoin d’appareillage excessivement cher et volumineux. Donc que ce soit au niveau technique ou artistique, je travaille souvent des formes à taille humaine. Ayant fait ces choix-là, on a cette chance de pouvoir continuer à produire normalement. Toutefois, diffuser est une tout autre histoire. Mais lorsqu’on fait de petites formes qui ne s’appuient pas sur une très grosse jauge, on a moins de problèmes.
Merci Antoine ! Nous sommes impatient·e·s de découvrir le spectacle dans un jardin de Moulins, lors de notre événement Ralentir prévu fin mai*.
*Sous réserve de conditions sanitaires favorables.