Publié le 11 octobre 2018

En 2018, ils ont chacun participé au projet Le dernier bus, par le collectif l a c a v a l e : Antoine, artiste du collectif ; Amel, éducatrice du F.A.S Lambersart ; Mamadou, partie prenante de cette création inédite ; Jérémy, chargé d'action culturelle à la maison Folie Moulins. Retour sur cette expérience unique, dont la thématique était l'hospitalité.

Le dernier bus est un projet artistique de longue haleine. Pour le créer, le collectif l a c a v a l e a mené pendant plusieurs mois des ateliers avec des groupes constitués par les structures formant le réseau des Fabriques culturelles. Cela pour entendre et récolter des récits d’hospitalité, et nourrir un spectacle situé entre le théâtre et le documentaire. Autant le dire, Le dernier bus est avant tout une histoire de rencontres.

 

D’abord, il faut raconter celle d’Amel et de Mamadou. Elle, éducatrice, propose des actions culturelles aux publics reçus par le Foyer pour Adolescents Scolarisés de Lambersart. Lui est arrivé à Lille à 15 ans, après un long exil depuis la Guinée. A peine intégré dans le foyer, il a dit à Amel qu’il voulait faire du théâtre. « Les sujets qu’il voulait qu’on aborde, c’était le mariage forcé, la violence, le racisme », se souvient l’éducatrice. Elle est frappée par sa capacité à raconter ce qu'il a vécu. « C’est très rare, qu’un jeune qui a traversé un continent en parle », souligne-t-elle. Amel réfléchit à cette demande de faire du théâtre. Elle monte un club au sein du foyer, propose a Mamadou de participer à un atelier avec le rappeur Ywill.

Là intervient la rencontre d'Amel avec l’équipe des maisons Folie de Lille, il y a de cela plusieurs années. D'abord né grâce au dispositif des Crédits Loisirs, un partenariat fort s’est noué et s’est enrichi au fil du temps. Lors d’un rendez-vous, Amel a parlé de Mamadou à Jérémy, chargé de l'action culturelle pour les maisons Folie. Et Jérémy a pensé à lui pour participer au projet Le dernier bus.

 

Antoine du collectif l a c a v a l e se souvient très bien du premier jour des ateliers avec le groupe de la maison Folie Moulins, dont fait partie Mamadou, mais aussi Hadassa, Adriana, Chantal, Marie-Christine et Alain. Il propose une présentation croisée : chacun écoute la biographie d’un participant, puis se présente au groupe comme s'il était cette autre personne. A la suite de l'exercice, Mamadou dit qu'il a compris qu'on peut avoir une mère qui n’est pas sa mère, un père qui n'est pas son père. Antoine raconte : « ça a résonné avec ce qu'on voulait défendre à travers le projet du Dernier bus, c'est-à-dire la possibilité de créer une famille d'adoption, reconstituée avec des gens qui s'aiment, des frères d'humanité. Pas forcément des gens avec des liens de sang. Lorsque Mamadou dit le premier jour : « toi, tu es mon frère », on est vraiment dans le vif du sujet. »

 

Au cours des ateliers, les participants réalisent qu'ils partagent un lieu commun : la fontaine place Carnaval. Au même moment, Mamadou venait du parc des Ollieux pour y remplir son bidon, Adriana et ses amis du foyer jouaient avec l'eau, et Chantal, habitante de la place, regardait les jeunes depuis sa fenêtre. « Le même espace temps partagé par trois humanités complètement différentes », observe Antoine, encore surpris de cette coïncidence. Alors ils se sont rendus ensemble place Carnaval avec un micro, et la séquence a nourri le texte final du spectacle Le dernier bus.

 

Après cette première rencontre avec Mamadou, Antoine lui a proposé de participer a un autre projet : Les choses en face, un spectacle sur l'adolescence. « C'était plus stressant mais je me sentais mieux, raconte Mamadou. Dans Le dernier bus on ne joue pas, c'est la voix enregistrée qui passe. Pour Les choses en face, les gens viennent te voir. C'est ça que j'ai aimé. »

Quand Antoine demande a Mamadou s'il a le projet de continuer le théâtre, l'adolescent acquiesce avec énergie : « Le théâtre, ça m'a fait du bien. Je n'ai plus peur devant le public, ni de m'exprimer devant quelqu'un. J'ai envie de continuer le théâtre, de dénoncer des choses. Pour moi le théâtre, c'est pour dénoncer. »

 

Entretien réalisé le 05/07/2018